LA THERAPIE EN LIGNE, UN ESPACE VIRTUEL MAIS REEL

Lorsque j’ai commencé à proposer mes services de psychothérapie en ligne, il y a une dizaine d’années, la pratique était encore balbutiante en France. Nous étions quelques thérapeutes francophones sur la toile à proposer ce type de prise en charge par visioconférence. Pourtant, ce n’est pas une pratique récente. Née aux États-Unis, elle existe activement dans de nombreux pays depuis les années 90.

La psychothérapie en ligne s’est généralisée ces dernières années et le confinement actuel a, semble-t-il, fini de convertir un grand nombre de professionnels de la santé mentale à cet outil. Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir si internet peut ou non être le vecteur d’une pratique thérapeutique, elle est de savoir comment utiliser le réseau sérieusement et le plus efficacement possible, sans céder sur la déontologie.

N’en déplaise aux sceptiques, remettant en question la qualité de l’alliance thérapeutique que l’on peut créer via cet outil, la psychothérapie en ligne est un vrai travail de thérapie. Elle n’a pas vocation à se substituer aux pratiques en cabinet, mais elle constitue une offre essentielle pour les personnes qui ne peuvent pas se déplacer, ou au contraire sont sans cesse en déplacement.

Après avoir travaillé quelques années en cabinet privé à Paris, j’ai repris le chemin de l’expatriation (déjà longuement sillonné pendant l’enfance). De pays en pays, principalement en Afrique, j’ai été confrontée à de nombreuses situations cliniques de personnes isolées ou trop occupées, parfois sans possibilité d’aide dans leur langue et dans leur culture. C’est alors que j’ai décidé de mettre mon expérience professionnelle au service des expatriés par visioconférence. Il y a 10 ans, nous étions confrontés aux problèmes de qualité de connexion qui rendaient compliquées voire impossibles les thérapies dans certains pays. Aujourd’hui avec les connexions haut débit et la généralisation de la fibre optique même en Afrique, la thérapie en ligne s’étend dans la plupart des pays du monde, avec une qualité d’image et de son qui permettent une fluidité des échanges et une lecture précise des expressions corporelles et de la présence émotionnelle. Dès le départ, j’ai rapidement constaté que ce système créait une bulle d’intimité, l’écran favorisant une désinhibition du patient, lui permettant de se libérer plus facilement d’un secret, par exemple.

Évidemment cet outil a ses limites, c’est pourquoi il m’a paru essentiel de créer un cadre de travail spécifique. Dans un contexte classique de thérapie en cabinet, l’attente du rendez-vous, le temps de déplacement pour s’y rendre, le passage par la salle d’attente, notamment, sont des moments qui permettent de préparer, assimiler ou intégrer plus facilement les séances. C’est pourquoi il faut, comme en cabinet, établir certaines règles, fixer un cadre. Dans le contexte de thérapie effectuée en ligne, je propose régulièrement des tâches à faire entre deux RDV, ou un travail de réflexion pour la séance suivante afin que le patient puisse avoir ce temps d’introspection nécessaire. Ce que l’on perd avec le contact physique (une démarche, une poignée de main, une attitude qui, parfois, nous en disent long sur la personne), on le rattrape d’une certaine façon par cette bulle d’intime que confère l’écran. Le cadre de la thérapie en ligne comporte notamment la ritualisation du décor en arrière-plan, la ritualisation de l’heure de la thérapie, autant que possible, une durée de séance limitée (1h maximum) et des prises de rendez-vous afin d’écarter l’illusion d’un ici et maintenant. Il ne s’agit en aucun cas pour les patients d’avoir quelqu’un en ligne, tout de suite, et ce 24h/24, 7j/7, sans rendez-vous. Les séances sont les mêmes qu’en cabinet, utilisant les mêmes points de vue théoriques. Enfin, les entretiens se déroulent dans le respect du code de déontologie des psychologues. N’oublions pas que nous travaillons essentiellement avec la parole. En cabinet, le patient sait que tout ce qui est dit est confidentiel, tout peut être exprimé sans filtre, dans un espace bienveillant. La thérapie en ligne ne déroge pas à ces critères. Face à l’ampleur de l’utilisation de cet outil, il est primordial d’en définir les limites d’ordre éthique. Il n’est absolument pas conseillé de prendre en charge des personnes souffrant de troubles sévères (hallucinations, délire) ou ayant besoin d’un traitement médical.

Il est intéressant de noter que les jeunes générations, biberonnées au numérique, s’adaptent plus facilement à ce mode de thérapie et acceptent généralement plus volontiers les entretiens en visioconférence. Pour conclure, si l’espace psychique de la consultation est virtuel, il n’est pas moins réel, la qualité de la parole et la potentialité de l’interprétation ne changent pas.

Marion Saintgery, psychologue clinicienne, thérapeute de couple et de famille, spécialisée dans les problématiques de l’expatriation et l’accompagnement des humanitaires sur le terrain.

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